Illustration : le parc éolien d'Aumelas (Photo S. Popy)
Le 5 décembre 2013, le Canard Enchaîné a publié un article assez lapidaire à l'égard de la LPO Hérault, dénonçant sa collusion avec EDF EN et son silence médiatique sur les résultats de son suivi de mortalité par les éoliennes, qu'elle réalise sous les 24 éoliennes du Causse d'Aumelas depuis 4 ans.
ACNAT LR est une jeune association déclarée au Journal Officiel en avril 2011. A notre regret, nous n'avons pas pu participer à l'enquête publique concernant le projet de 7 nouvelles éoliennes, qui se tenait en juillet 2011.
En publiant un article dans sa feuille de liaison (le Cynorrhodon n°2), ACNAT LR a néanmoins manifesté son étonnement sur le silence entourant la mortalité d'espèces protégées sur le parc éolien d'Aumelas dès mai 2012. L'association se réjouit qu'un hebdomadaire porte aujourd'hui son regard sur ce projet qui est peut-être l'un des plus meurtriers de France.
Le parc éolien se situe dans le département de l'Hérault, sur le Causse d'Aumelas. Site d'intérêt communautaire, encadré par deux Zones de Protection Spéciale, ce plateau calcaire est une étendue de garrigues basses ponctuée d'escarpements rocheux et de boisements favorables à la reproduction et l'alimentation d'oiseaux parmi les plus remarquables de l'avifaune française. Pas moins de 13 espèces de l'annexe I de la Directive Oiseaux sont répertoriées nicheuses sur le site et 6 espèces de chiroptères de l'annexe II de la directive Habitats. Il s'agit d'une zone de chasse importante pour une des trois colonies de France de Faucon crécerellette mais aussi pour l'Aigle de Bonelli, l'Aigle Royal, le Circaète Jean-le-blanc et pour un grand nombre d'espèces de chauves-souris (Grand Rhinolophe, Minioptère de Schreibers, Pipistrelle de Kuhl, Molosse de Cestoni, Noctule de Leisler...).
Les éoliennes d'Aumelas ont été construites en plusieurs vagues successives correspondant à différentes études d'impact : l'étude de 2001 (volet ornithologique réalisé par le bureau d'études ABIES) aboutira à la construction de 11 éoliennes (au lieu de 30). Les deux études suivantes ont été réalisées par la LPO pour le volet ornithologique : en 2006 pour 13 éoliennes, et en 2011 pour 7 éoliennes. La LPO Hérault a commencé les suivis de mortalités en 2010.
Pour la première fois, la LPO signalait publiquement, le 28 septembre 2012, 3 cadavres de Faucons crécerellettes pour l'année 2012, plus 2 pour 2011, dans un bulletin d'actualités sur le site http://rapaces.lpo.fr/faucon-crecerellette.
Le 2 octobre 2012, quasi-simultanément, nous alertions de notre côté le conseil d'administration de la LPO nationale ainsi que l'union d'associations naturalistes du Languedoc-Roussillon, Meridionalis, par un courrier. Nous y signalions que dans la dernière étude d'impact de 2011 (7 éoliennes supplémentaires) dont le volet ornithologique était réalisé par la LPO Hérault, les enjeux de biodiversité du site ne nous semblaient pas pris en compte à leur juste valeur, ce qui ouvrait la voie à l'extension sans difficulté du parc. Le seul cas de mortalité mentionné dans l'étude d'incidence concernait un busard cendré. Nous posions déjà la question de la prévision d'une demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées.
Nous regrettions alors l'absence de communication forte sur les chiffres obtenus par les suivis de mortalités depuis la rédaction de l'étude, en dehors d'un petit cercle d'experts. Il s'agissait - selon nos informations - de 4 Busards cendrés et 4 Faucons crécerellettes. Nous n'avions pas encore pris connaissance de la brève d'actualité publiée 4 jours avant par la LPO.
Toujours en octobre 2012, nous interpelions la DREAL-LR, la DDTM 34 et le ministère de l'Ecologie sur l'absence d'information publique au sujet des mortalités sur le Causse d'Aumelas, et rappelions la possibilité (si souvent avancée par EDF) d'arrêt ou de démantèlement des éoliennes incriminées. Nous demandions par ailleurs la suspension du nouveau permis de construire pour les 7 nouvelles éoliennes.
En novembre 2012, une seconde publication faisait état de la mortalité de deux Faucons crécerellettes par les éoliennes d'Aumelas, constatées en juillet et septembre 2011, dans le Crécerellette Infos n°14/15.
La destruction d'espèces protégées paraissant suivre son cours, nous avons demandé à l'administration, le 1er octobre 2013, de bien vouloir nous communiquer les déclarations d'Incident ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) relatives aux mortalités de faune sur le parc éolien d'Aumelas. Ces documents administratifs sont la trace officielle de ces mortalités.
Une communication de Pierre Gitenet, analysant la mortalité des Busards cendrés sur le site d'Aumelas, est publiée le 16 octobre 2013 par la LPO sur le site http://rapaces.lpo.fr/busards . Le document confirme les 7 cadavres, avec une position plutôt modérée, puisqu'on y lit l'objectif de "concilier la sauvegarde de l'espèce et l'exploitation du parc éolien".
En novembre 2013, nous avons écrit à l'Union Européenne pour signaler l'absence de dossier CNPN malgré la destruction avérée d'espèces protégées par les éoliennes existantes dans un site Natura 2000.
Nous sommes satisfaits que la presse nationale évoque le 4 décembre 2013 la mortalité importante d'espèces protégées et à forts enjeux de conservation, due à un aménagement éolien qui n'aurait jamais dû voir le jour dans un site naturel remarquable. Depuis 2010 il y aurait donc, selon le Canard Enchaîné, 7 busards cendrés, 13 faucons crécerellettes et 28 chauves-souris qui ont été retrouvées mortes au pied des éoliennes, ce qui porte le total à au moins 48 cadavres d'espèces protégées en 4 ans. Nous avons du mal à croire que ces éoliennes soient aussi sélectives du côté des oiseaux. Il y a probablement d'autres espèces protégées concernées mais les mises au point de la LPO n'y font pas référence à ce jour.
La semaine suivant l'article du Canard enchaîné, le 10 décembre 2013, la préfecture de l'Hérault nous transmet une note d'information "relative aux cas de mortalité découverts sur les parcs éoliens du Causse d'Aumelas" remise par EDF EN à l'administration en juin 2013. Ce document nous apprend qu'au 5 mai 2013, 8 faucons crécerellettes et 7 busards cendrés avaient été retrouvés morts. En revanche, nous n'avons ni obtenu les déclarations d'incidents ICPE demandées, ni aucune information officielle sur les autres espèces d'oiseaux et les Chiroptères.
Côté éoliennes, le chantier des 7 nouvelles machines commence malgré la destruction avérée d'espèces protégées. Le nombre d'éoliennes sera donc porté à 31, ce qui correspond à l'objectif initial de 2001, qui avait alors été réduit de deux tiers pour être accepté. Douze ans après, nous ne pouvons que constater que les installateurs d'éoliennes ont obtenu ce qu'ils voulaient au départ.
Côté oiseaux, deux DT Bird, avec un dispositif d'effarouchement sonore sont en cours de test sur les deux éoliennes les plus meurtrières et les 7 nouvelles éoliennes doivent en être équipées. Alors que les limites de l’effarouchement sonore sont depuis bien longtemps connues, les DT Bird ne détectent ni les chauves-souris ni les petits oiseaux. Cette pirouette technologique est-elle suffisante pour qu'EDF soit le seul aménageur de France à pouvoir se passer d'une demande de dérogation pour destruction d'espèces protégées ?
Photos : Dispositif d'effarouchement sonore (DT Bird)
Quoi qu'il en soit, EDF EN peut aujourd'hui dormir sur ses deux oreilles. La société ne peut être accusée du caractère intentionnel de la destruction d'espèces protégées, étant couverte par des études d'impact optimistes, qui ne mentionnent aucune contre-indication pour l'exploitation d'éoliennes.
Pour que s'arrête cette destruction massive d'espèces protégées nous demandons un moratoire sur l'exploitation du parc éolien d'Aumelas.
Par ailleurs, les suivis ornithologiques visant à évaluer les risques de mortalité, qu'ils soient issus des préconisations des études d'impacts, demandés dans le cadre des mesures compensatoires ou résultant de la procédure ICPE devraient faire l'objet d'une démarche transparente et indépendante. Nous pensons que les méthodologies utilisées et leurs résultats doivent être rendus publics, afin que les experts aussi bien que les citoyens aient une connaissance objective de l'impact des éoliennes sur la faune. Nous souhaiterions que l'ensemble des associations naturalistes méridionales, appuyées par les associations nationales, exigent du Ministère de l'Ecologie une transparence totale sur les méthodologies utilisées, ainsi que sur les résultats des suivis de mortalité des parcs éoliens. Nous sollicitons ces associations pour la rédaction d'un courrier commun dans les plus brefs délais.
ACNAT souhaite élargir le débat de l'éolien au Schéma Régional Eolien, adopté en avril 2013, qui se donne pour objectif de passer de 438 MW en 2011 à 2000 MW en 2020, soit une multiplication par 3 du nombre d'éoliennes (de plus en plus puissantes) en moins de 10 ans. A cela s'ajoute le développement du photovoltaïque au sol, estimé à 500 MW (~ 1500 ha) en 2020. Ailleurs dans le département et la région, des espèces et des habitats naturels remarquables sont mis à mal (Fenouillèdes, Roquefort des Corbières, Massif de l’Escandorgue, Fons sur Lussan…). Il nous paraît donc important de questionner ce développement massif et simultané de projets en milieux naturels. Est-il aussi incontournable que l'on veut nous le faire croire ou est-ce la manne financière ? A quoi ressemblera notre région dans 10 ans ? Quel impact cumulé au final ? Et où place-t-on la limite au développement de l'éolien ? Par ailleurs, nous ne pensons pas que les avancées constatées dans la dernière mouture du SRCAE soient réellement contraignantes pour les collectivités et les aménageurs. Nous pensons qu'un débat est nécessaire sur ce sujet au sein du réseau environnemental et pensons que la nouvelle fédération FRAPNE LR peut être un bon lieu pour mener ce type de réflexion collective.
ACNAT LR
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Suite du feuilleton
ça se passe ici : http://acnatlr.org/cadrage-DREAL-eolien