Illustration : une éolienne du parc d'Aumelas. A l'arrière plan : Sète et la Méditerranée (source : S. Popy)
Depuis maintenant plus de 18 mois nous essayons d'obtenir les données acquises dans le cadre du suivi de mortalité réalisé par la LPO Hérault pour le compte d'EDF EN sur les parcs éoliens du Causse d'Aumelas.
Rappel juridique
Pour rappel, la loi "Grenelle 2" du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a notamment soumis les éoliennes au respect des règles de la police des installations classées pour la protection de l'environnement. Ce changement est entré en application un an plus tard soit le 13 juillet 2011.
Comme les parcs du Causse d'Aumelas existaient avant la soumission des éoliennes au régime ICPE, et que les propriétaires en ont fait la demande dans les délais, l'ensemble de ces parcs bénéficie du principe d'antériorité qui leur a permis de se limiter à une déclaration d'existence et d'éviter les procédures liées à la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (procédure d'autorisation). Malgré ce principe d'antériorité, ces éoliennes sont désormais soumises au régime ICPE et notamment, à l'obligation de surveillance à la charge de l'exploitant, et au rapport obligatoire des incidents et accidents auprès de l'administration (article R512-69 du CE), notamment ceux portant atteinte à l'environnement (article L511-1 du CE). Cet article parle notamment des « dangers ou inconvénients [...] pour la protection de la nature, de l'environnement [...] ». Nous considérons qu'au minimum, ces domaines d'intérêt incluent la destruction d'espèces protégées.
L'Inspection des Installations Classées stipule que "un rapport d’accident ou d’incident significatif doit ensuite être transmis à l’inspection dans des délais compatibles avec l’analyse des évènements survenus. Ce rapport doit préciser ou rappeler les circonstances et causes de l’accident, les effets sur les personnes et l’environnement, les mesures prises pour éviter son renouvellement et pour en pallier les effets à moyen ou long terme (importance du retour d’expérience)."
La LPO Hérault n'a pas souhaité communiquer l'intégralité des données de ses suivis (données publiées partiellement, tardivement et discrètement sur 2 espèces : le Faucon crécerellette et le Busard cendré), comme nous l'avions déjà expliqué dans un précédent article. Elle a évoqué a plusieurs reprises une clause de confidentialité avec son financeur, et bien que l'existence de cette clause ait été finalement démentie par son directeur dans un mail diffusé sur les réseaux naturalistes le 12 décembre 2013 (cette clause ne concernerait "que les aspects financiers"), nous n'avons pas insisté et nous sommes tournés vers l'administration.
Historique de nos démarches
Le 2 octobre 2012 dans un courrier à la DREAL demandant un moratoire sur les éoliennes d'Aumelas (24 éoliennes plus 7 alors en projet), nous soulignions déjà l'absence d'information publique sur ces mortalités alors que des informations concordantes nous poussaient à penser que celles-ci étaient importantes. Nous demandions quelles étaient les modalités d'information du public concernant ces mortalités. Nous n'avons jamais obtenu de réponse.
Le 1er octobre 2013 nous faisions une demande beaucoup plus précise et argumentée juridiquement à la préfecture de l'Hérault ainsi qu'au service ICPE de la DREAL pour obtenir les éventuelles déclarations d'incident ICPE qui auraient été transmises à ces services relativement à des cas de mortalités de faune sur l'ensemble des parcs éoliens du Causse d'Aumelas.
Le 10 décembre 2013, la préfecture de l'Hérault nous a transmis une note d'information "relative aux cas de mortalité découverts sur les parcs éoliens du Causse d'Aumelas" remise par EDF EN à l'administration en juin 2013. Ce document nous apprend qu'au 5 mai 2013, 8 faucons crécerellettes et 7 busards cendrés (deux espèces protégées) avaient été retrouvés morts. En revanche, nous n'avons ni obtenu les déclarations d'incidents ICPE demandées, ni aucune information officielle sur les autres espèces d'oiseaux éventuellement impactées, et rien sur les Chiroptères. Entretemps, le Canard Enchaîné du 5 décembre 2013, ayant interrogé de son côté la LPO Hérault, a évoqué 48 cadavres d'espèces protégées dont un certain nombre de Chiroptères (espèces protégées).
En l'absence de réponse satisfaisante de la part de l'administration, le 9 janvier 2014, nous avons à nouveau interpelé la préfecture de l'Hérault et la DREAL LR pour demander si des déclarations d'incident ICPE existaient concernant ces mortalités, et si nous pouvions y avoir accès, ainsi qu'aux éventuelles données dont nous n'aurions pas connaissance.
Le 5 février 2014, la préfecture nous a transmis une nouvelle note d'information "relative aux cas de mortalité découverts sur les parcs éoliens du Causse d'Aumelas" remise par EDF EN à l'administration le 23/10/2013. Ce document effectuait une mise à jour des informations sur les deux espèces déjà concernées par la première note, mais ne répondait pas à notre demande. Ni déclaration d'incident ICPE, ni données sur les autres espèces. Après deux tentatives, et le délai d'un mois étant dépassé, nous avons saisi la CADA (Commission d'Accès aux Documents Administratifs) le 15 février 2014 afin de lui demander d'étudier la possibilité d'obliger l'administration à répondre à notre demande.
Le 13 mars 2014, soit 10 jours avant que la CADA ne rende son avis, la DREAL nous envoyait un dossier beaucoup plus complet contenant les documents demandés (déclarations ICPE) ainsi que les données complètes de l'année 2012 (uniquement) comprenant également les chiroptères et les espèces communes impactées. [documents ICPE ?] Ayant obtenu satisfaction nous avons néanmoins laissé la CADA émettre son avis car nous souhaitions que celui-ci fasse jurisprudence, dans l'espoir que nous n'ayons pas à attendre aussi longtemps la prochaine fois que nous demanderons l'accès à des documents publics. La CADA a donc émis un avis positif en notre faveur le 27 mars 2014, confirmant que "les documents sollicités, s'ils existent, sont intégralement communicables au demandeur". Donc sachez-le, l'administration est tenue de mettre à disposition de ceux qui le demandent les documents fournis à l'administration dans le cadre des procédures ICPE sur les mortalités de faune causées par les éoliennes. Malheureusement, il faut parfois insister lourdement et les menaces de saisie de la CADA ne sont pas toujours suffisantes. Pour nous, il aura fallu aller jusqu'à saisir la CADA pour que l'administration nous prenne au sérieux. Enfin cet avis confirme que la soit-disant "confidentialité" de ces données est toute relative.
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